Légendaire mais tellement cruel

Avant de parler comme un fan et ami de Rodgeur, j'aimerais évoquer cette finale comme un amoureux de tennis, de beau jeu, d'émotions. On a assisté en ce dimanche 6 juillet 2008 à l'un des plus beaux matches de l'Histoire du tennis. De ma mémoire de jeune homme de 37 ans, je ne me souviens pas avoir vu un spectacle si intense, si émotionnel, d'une qualité de jeu si stratosphérique. Qu'on se le dise, une grande page de l'Histoire du sport s'est écrite devant nos yeux ébahis entre 15h et 21h15 hier au All England Club. C'est pour vivre ces moments là qu'on aime le sport et qu'on continuera à l'aimer, malgré l'immense déception qui nous ronge le sang en ce moment.

Voilà, j'y viens... Je n'ai pas de mots assez forts pour décrire ce sentiment de profonde tristesse qui m'anime en ce lundi pourri. C'est un coup de poignard dans le coeur. Les regrets seront éternels car Rodgeur est passé à côté du plus bel exploit de sa carrière. Du plus bel exploit du tennis moderne. Revenir à deux sets partout en ayant été mené 6-4 6-4, en ayant sauvé deux balles de match dans un tie-break de fou avant, surtout, de gagner Wimbledon pour la sixième fois consécutive, record absolu, oui, ça aurait été plus fort que tout, inégalable pour les 100 prochaines années !

Mais Rodgeur ne l'a pas fait. Il ne dépassera pas Borg et Sampras dans l'Histoire. Le Bâlois n'a pas su, n'a pas pu déborder l'Espagnol dans ce cinquième set si tendu. Et pourtant, les occasions étaient là. Par trois fois, Popeye a servi pour rester dans le match, dos au mur. Mais à chaque fois, il a su se mettre hors de danger par des coups sortis de nulle part, par une force mentale hors du commun pour un gamin de 22 ans. Où est-il allé chercher tout ça ? On se le demande encore. C'est terrible à accepter, mais Nadal mérite sa victoire et on ne peut que s’incliner face à l’incroyable talent de ce gladiateur des temps modernes. Rodgeur n'a rien à se reprocher, ou pas grand-chose, sinon ces deux coups droits à sa portée qui finirent dans le filet et qui offrirent le break fatal au Majorquin. Et ce 2ème set, bien sûr, qu’il n’aurait jamais dû perdre et qui aurait pu tout changer. Mais avec des «si» je serais sherpa dans l’Himalaya, vivrais sans télé ni journaux et en aurais rien, mais alors rien à foutre de tous ces événements sportifs !!!

On est également tous au fond du bac car on a cette impression, ô combien désagréable, que le tennis mondial a pris un virage peut-être décisif en ce dimanche 6 juillet 2008. A l'heure actuelle, Rodgeur n'est plus le seul patron sur le court, il ne l'est peut-être même plus du tout… C'est bien Popeye qui tient les rênes. Alors je vois deux possibilités aujourd'hui : Federer perd pied, reste sur la savonneuse et arrêtera le tennis un jour en ayant encore gagné un ou deux Grands Chelems, mais en n'étant plus le patron… Personnellement je n'y crois pas trop, je n’ai pas envie d’y croire.

Non, je pense plutôt que Rodgeur a perdu l'armure, a fendu la distance qu'il s'imposait face aux événements, a enfin relâché la pression énorme que lui imposait ce record. Rodg, plus humain, sait aujourd'hui que rien de plus terrible ne peut lui arriver… Bref, le Maître a peut-être pris hier une claque salvatrice qui va le remettre sur le droit chemin, le rendre plus fort encore et c'est peut-être aujourd'hui ou dans un mois le début d'une nouvelle ère. Le Roger Federer II, libéré d'un dernier tabou et prêt à avaler les derniers records qu’il doit battre, les Jeux Olympiques et la Coupe Davis… N’oublions pas non plus que Popeye, aussi fort soit-il aujourd’hui, ne pourra pas tenir ce rythme toute l’année. Le taureau des Baléares se sent d’ailleurs «épuisé» et va prendre une pause. Pour combien de temps ?

Quoi qu’il en soit, cette fin de saison s’annonce palpitante. Moi j'y crois, je suis même sûr que Rodgeur va encore nous faire rêver. Mais là honnêtement et comme Nadal, j'ai besoin d'un break ! Je ne partirai finalement pas sur mon île déserte mais à Moscou pour quelques jours de folie, pour quelques nuits dantesques et, surtout, pour couper avec le sport ! Ne compte pas sur moi pour te parler de Gstaad ou des derniers potins tennistiques, là franchement, le coeur n'y est plus. Un Suisse ne passe pas tous les jours à côté d’un des plus fabuleux exploits de l'Histoire du sport, toutes disciplines confondues. Il faudra donc du temps - et quelques shots ! - pour digérer tout ça. Putain de merde, on aura TOUT perdu depuis le 7 juin et ce match contre la République tchèque. 7 juin - 6 juillet, ça y est, ça fait 30 jours. Ceux-là mon pote, on n'est pas prêts de les oublier. Et de les maudire. Allez, à la prochaine... avec le sourire j'espère !