Bien profond où tu sais
Et voilà-t-il pas que celui que personne, mais alors personne n’attendait est sorti du bois pour mettre une immense claque à tous les fans de Roger Federer, moi en premier. Notre Rodgeur national n’est officiellement plus le plus grand joueur de tous les temps et, rien que de l’écrire, ça me donne envie de chialer. Ça ne va évidemment pas changer grand-chose à nos vies. Nos soucis seront toujours les mêmes, nos gueules de bois toujours aussi pénibles, nos réseaux sociaux toujours aussi répétitifs et notre iPhone toujours autant rempli de groupes what’s app à la con. Reste que voilà, celui qui domine le tennis depuis son quinzième sacre à Church Road en juillet 2009 n’est plus au sommet de l’Olympe. Ça fait mal. Très mal même.
Bref, faut-il s’incliner devant l’exploit retentissant du taureau de Manacor ou plutôt regretter le fait que notre Rodgeur national n’est plus le détenteur du record de Grand Chelem ? Un peu des deux. Une chose est sûre, avoir gagné ce 21ème Majeur dans ces conditions-là, suite à un match, que dis-je, un chef d’œuvre de 5h24 (!), une ode au mental et à la gagne, fait de Rafael Nadal le plus grand tennisman de tous les temps. Il devient le GOAT en remportant l’un des plus beaux matchs de sa carrière, si ce n’est le plus beau, dans un stade où il avait subi tant de désillusions avec pas moins de quatre finales perdues, dont deux plus que jouissives face à Stan et Rodgeur (j’en durcis encore).
Encore plus fort, Rambo réalise cet exploit après avoir pris une pause de cinq mois, puisqu’il n’avait plus disputé de match depuis le début du mois d’août, le tout après un parcours à Melbourne qui n’avait rien d’un long fleuve tranquille, avec notamment Khachanov au troisième tour, Shapovalov en quart, Berrettini en demi et, surtout, le roc Medvedev en finale. Pour ajouter une dose de panache et de mythique à cette histoire incroyable, digne des plus grandes légendes du sport moderne, Popeye a réussi l’Exploit (oui, avec un E majuscule) de remonter un déficit de deux sets à zéro. Franchement, c’est hors du commun et l’avalanche de louanges qu’il récolte depuis dimanche est largement méritée.
Note de l’auteur : je le concède volontiers, ces deux dernières phrases puent la résignation. Je suis résigné.
Je ne sais d’ailleurs pas comment il a fait pour se remettre de la perte d’une deuxième manche qui lui tendait les bras, galvaudant une balle de set au passage. Je ne sais pas comment Medvedev a réussi à se fourvoyer ainsi, lui qui a raté trois balles de break consécutivement au début du troisième set. Putain de merde, le taureau était à terre, mourant, en sang, prêt à être abattu par celui qui allait devenir double vainqueur en Majeur et futur numéro 1 mondial. Mais voilà, telle une bête blessée, Hulk a réussi à trouver les ressources mentales et physiques pour retourner ce match, bien aidé il est vrai par un public complètement acquis à sa cause, frôlant parfois la correctionnelle. A tel point que le pauvre Russe a fini traumatisé, craquant totalement en conférence de presse et parlant même de faire un break... Allez Daniil, ne déprime pas, lance un coup de fil à Djokobite et demande lui quelques conseils. Être détesté par tout un stade, il sait ce que c’est.
Voilà les gars, une grande page de l’histoire du tennis s’est déroulé devant nos yeux hier après-midi. Il y aura un avant et un après 30 janvier 2022 et, même s’il s'est fendu d’un superbe hommage sur les réseaux sociaux, Federer doit quand même l’avoir mauvaise. Ce 21ème Grand Chelem aurait dû être le nôtre. Ce putain de 21ème Grand Chelem aurait dû avoir lieu le 14 juillet 2019 à Londres. Oui, j’y pense encore. J’y penserai toujours. J’y ai pensé mille fois hier. Le plus grand s’appelle désormais Rafa et il va falloir vivre avec ça.
PS : c’est un post à la con, indigne de ce blog, je sais. Désolé les amis, je n’ai juste pas envie.
Si je ne devais garder qu’une image de cette finale à sens unique, c’est celle de cette pause à 6-4 6-4 5-4, lorsque les 24'000 spectateurs du Arthur Ashe Stadium se sont mis à acclamer celui que tout le monde adorait détester. Lorsque tout un stade – complètement acquis à sa cause depuis les premiers coups de raquette – a tenté de le pousser vers un exploit impossible. Mais qui, pour ce Djokoboss dont la marque de fabrique est de renverser des montagnes, de retourner des situations complètement improbables, semblait encore à sa portée. Rarement, voire jamais habitué à ce genre de soutien dans un tournoi du Grand Chelem, le numéro 1 mondial a fondu en larmes. On a beau haïr ce mec, le conchier pour toutes les défaites qu’il a infligées au Maître, avec en point d’orgue ce funeste 14 juillet 2019, ces images resteront belles.
Ainsi donc, il n’y aura pas de Grand Chelem calendaire pour l’ennemi juré de Roger Federer et Rafael Nadal. L’exploit de Rod Laver, réalisé en 1969, reste intouchable, inatteignable. Et le restera certainement pour les prochaines décennies. Pourtant, le sosie de Joe Dalton en était si proche. On peut même se demander si cette finale aurait pu tourner en sa faveur avec un deuxième set dans la poche. Ce deuxième set qu’il entamera en ratant cinq balles de break lors des deux premiers jeux… avant de fracasser sa raquette de rage contre le sol, ce qui reste évidemment moins grave qu’une balle balancée en pleine tronche d’une juge de ligne.
On pourra aussi se demander si son détour par Tokyo, pour y perdre sa crédibilité, son énergie et sa confiance, n’a pas précipité son échec final à New York. Je te rassure, ça reste un souci aussi vital que la programmation du Paléo 2022 ou le nom du prochain coach du FC Sion. Au final, on s’en branle complètement et on est bien content, pardon, on est super HEUREUX, re-pardon, on BANDE COMME DES TAUREAUX à l'idée que Djokobite ne fasse pas la une des journaux mondiaux cette semaine. Les dieux du tennis que sont Rodgeur et Rafa ne méritaient pas ça. Leurs fans que nous sommes non plus. Le Serbe finira bien par nous la mettre (et nous l’a d'ailleurs bien mise par le passé), mais il n’aura au moins pas le plaisir de le faire suite à un Grand Chelem calendaire. On se console comme on peut. Avec ou sans lubrifiant.
Merci Daniil Medvedev donc. Oui, il convient de terminer ces quelques lignes en félicitant celui qui a permis aux 99% des fans de tennis de se réveiller avec le sourire ce matin. Putain les gars, on n’a jamais autant aimé un mec qui ressemble à un croque-mort. Ce grand échalas au jeu désarticulé et au charisme d’une motte de beurre offre un premier titre majeur à cette génération de losers qu’on a surnommé la NextGen, ces petites bites sans caractère habituées à perdre leurs moyens dès que la pression monte. Le lauréat du dernier Masters a réussi là où tous les autres, Zverev et Tsitsipas en tête, se sont plantés : gagner un titre du Grand Chelem face à l’un des trois monstres sacrés. Ce Russe aux airs de Fantomas ne fait rêver personne, y compris sa loge garnie de trois pelés, mais son jeu est solide et son mental semble tenir la route.
Bref, bravo à toi, le grand pin de Moscou, le Pierre Richard de la petite balle jaune. Et encore merci d’avoir permis au tennis de rester à 20 – 20 – 20. Jusqu’en janvier en tout cas. Et plus si affinités.