3.3.19

100 !!!

 
Cher Rodgeur, cher ami, cher centenaire,

Tu te rappelles ce dimanche 13 février 2000 à Marseille ? Moi, le vieux, venais de te battre lors de ta toute première finale sur le circuit ATP. Tu avais perdu au tie-break du troisième set, tu étais dégoûté et tu pleurais à chaudes larmes, toi le gamin de 18 ans, puceau en titre ATP et puceau tout court. Moi qui étais ton pote, ton coéquipier en Coupe Davis et, en quelque sorte, ton grand frère tennistique, je t'avais alors dit : «Ne t'en fais pas Rodgeur, tu en gagneras d'autres. Plein d'autres.»

Dix-neuf ans plus tard, presque jour pour jour, tu viens de remporter ton centième titre à Dubaï. 100 !!! Hallucinant, phénoménal, prodigieux, fabuleux, magique, bref, federesque, du nom de l'adjectif que j'aimerais ajouter dans le dico. Comme quoi, j'avais eu raison en ce dimanche de février sur les bords de la Canebière. Sans vouloir me vanter, j'ai d'ailleurs toujours eu raison te concernant. Que ce soit au centre national à Ecublens en 1998, après tes échecs répétés en Grand Chelem en 2002, après ta terrible défaite contre Rafael Nadal à Wimbledon en 2008, après ton année 2013 à un seul titre ou après ta pause de six mois en 2016 : quand certains connards te voyaient alors comme un éternel espoir, puis parlaient de déclin ou, pire, de fin de carrière lorsque tu as commencé à perdre des matches improbables, j'ai toujours cru en toi. Et j'ai eu raison. Cent fois raison. 

Aujourd'hui, tu deviens le second tennisman sur Terre à atteindre ce nombre mythique, après le non moins mythique Jimmy Connors.
Un chiffre fou, complètement fou qui symbolise aussi et surtout ton incroyable longévité, toi qui es toujours aussi amoureux de ton sport, toujours aussi aérien sur un court, toujours aussi heureux d'être là. Tu ajoutes un nouveau chapitre doré à ta propre légende, à ton incomparable palmarès. Comme à l'accoutumé, les hommages, les éloges et les grands titres pleuvent de partout. C'est beau, c'est fort, c'est unique, c'est toi, Roger Federer.

Je te connais, je sais que tu aurais préféré gagner ce centième titre dans ton jardin de Wimbledon, chez toi à Bâle, au Masters face à Djokovic ou à Melbourne contre Nadal. Finalement, c'est dans cet ATP 500 de Dubaï – où tu habites une partie de l'année – que tu as soulevé ce trophée lourd en symbole, et lourd tout court. Je sais que tu aurais préféré une autre cérémonie – plus glorieuse et plus élégante
que celle que t'ont réservé les organisateurs. Décidément, entre ton vingtième Grand Chelem à Melbourne, ton retour sur le trône à Rotterdam et ton centième titre à Dubaï, tu es à chaque fois tombé sur des ânes, pour ne pas dire des illustres trous du cul, qui n'ont pas su être à la hauteur de l'événement. C'est dommage, mais on s'en fout royalement.

J'apprécie ta modestie, Rodgeur, mais je sais que tu mens quand tu déclares ne pas vouloir aller chercher le record des 109 titres de Jimmy Connors. Je te connais, je sais très bien que dans ton for intérieur, au plus profond de toi, tu veux et tu vas aller le chercher, ce record. 9 titres, putain, c'est pas ça qui va te faire peur, même si tu auras 38 balais cet été. Je suis même sûr que tu seras capable de rempiler pour une saison 2021, juste pour gratter ce record qui n'est de loin pas le plus important, mais qui compte quand même dans le monde de la petite balle jaune. Quitte à jouer des ATP 250 en fin de carrière.

Voilà Rodgeur, la vue doit être si belle depuis là-haut. J'ai juste un truc à te dire : «CONTINUE !». Continue tant que tu es en forme et que tu en as l'envie. Continue de nous faire rêver, de nous régaler, de nous extasier. Continue d'être l'idole, la légende vivante, l'icône ultime de ce sport. L'exemple et le modèle à suivre pour tous ces enfants qui jouent au tennis. Bref, continue à t'amuser, à prendre du plaisir et, j'en suis sûr, ce record tombera naturellement. Comme tous les autres en somme. Non content d'être éternel, tu es désormais centenaire. Tu es 100sationnel, mon pote, mon Rodgeur.