14.6.21

Federer en panne, Nadal en deuxième, Djokovic en cinquième

Si l’on devait comparer les monstres sacrés du tennis à trois voitures sur une autoroute, ça donnerait plus ou moins ça : Roger Federer, du haut de ses presque 40 ans, me fait penser à une somptueuse Rolls-Royce… en panne sèche. Depuis son vingtième sacre en Grand Chelem à l’Open d’Australie 2018, le Maître n’avance plus. Le Bâlois aurait pu, aurait dû s’offrir un 21ème Majeur le 14 juillet 2019 à Church Road, mais sa nervosité et Djokobite en ont décidé autrement.

A Paris durant cette quinzaine, le plus grand joueur de tous les temps (profitons de pouvoir encore l’écrire…) a fait plutôt bonne impression, passant trois tours assez piégeux avant de déclarer forfait en huitième de finale. Une décision qui n’a évidemment pas plu à tout le monde, notamment aux organisateurs, mais Rodgeur connaît son corps mieux que quiconque et il serait injuste, voire complètement con, de lui adresser le moindre reproche. Le seul objectif de sa saison reste Wimbledon. Cette montagne me semble aujourd’hui trop haute pour lui, mais bon, ne sait-on jamais, sur un malentendu, si toutes les étoiles sont parfaitement alignées…

Rafael Nadal, lui, roule en deuxième et me fait penser à une Range Rover transpirante et bruyante. La voiture tout terrain qui peut rouler partout, en particulier sur les chemins boueux et les routes en terre. Le taureau des Baléares a subi la troisième défaite de sa carrière à Roland Garros. Et sur ces trois revers, deux tiers sont l’œuvre de son meilleur ennemi Novak Djokovic. Cette incroyable demi-finale, disputée en night session, reste LE monument de ce tournoi. Et certainement un des duels les plus marquants de ces dix dernières années à la Porte d’Auteuil.

Une ambiance fantastique, un troisième set d’anthologie, des coups venus d’ailleurs, une tension à son paroxysme et, cerise sur le gâteau, la dérogation de l’Elysée afin de laisser les spectateurs rester dans l’enceinte, alors que le couvre-feu est à 23 heures en Île de France. Bref, un truc de fou qui fera date et, au final, une méchante baffe pour l’Espagnol, qui reste ainsi bloqué à 20 Majeurs (tant mieux pour nous).

Novak Djokoboss, c’est le mec qui se la pète, le beauf que tout le monde déteste, mi-connard mi-blaireau, mais qui est plus fort et plus rapide que les autres.
C’est la Ferrari blanche qui déboule à 280 km/h sur une autoroute allemande. C’est Beat Feuz à Kitzbühel, Usain Bolt à Berlin, Michael Phelps à Pékin, Lewis Hamilton à Silverstone ou un éjaculateur précoce dans le lit de Jessica Alba. Bref, ça va vite, ça déchire tout sur son passage et, tel un tsunami, la deuxième vague pourrait faire encore plus mal. La deuxième vague ? C’est Wimbledon et l’US Open qui se profilent, deux tournois qui pourraient lui permettre de réaliser un double exploit absolument hors du commun : dépasser le record de Fedal et, surtout, signer le Grand Chelem calendaire. 

On n’y est évidemment pas encore mais nul doute que la perspective de réaliser un tel truc doit lui trotter dans la tête. Un exploit que seuls Donald Budge (1938) et Rod Laver (1962 et 1969) ont réussi à accomplir. Bon, à une époque où l’on jouait avec des raquettes en bois, des pantalons blancs et où trois des quatre Majeurs se disputaient sur gazon… Bref, comparer un Grand Chelem dans les années 60 par rapport aux années 2020, c’est aussi pertinent que comparer le football masculin et féminin.

Que dire sur ce 19ème sacre en Majeur du numéro un mondial le plus décrié et haï de l’histoire ? Qu’il nous fait chier, bien sûr, mais qu’il faut aussi parfois reconnaître la force mentale et le talent de ce bonhomme. Fait rare, le coton-tige a réussi à gagner deux matches après avoir perdu les deux premières manches : en huitième contre Musetti et, surtout, en finale contre un Tsitsipas alors en feu. Le tout couplé à son récital contre le maître des lieux, pas besoin d’un long discours pour situer la performance du sosie de Joe Dalton, qui devient par ailleurs le seul à avoir gagné au moins deux fois chaque tournoi du Grand Chelem. Le bolide serbe a frappé un grand coup et revient plus que jamais dans le rétroviseur du 4x4 espagnol et de la luxueuse mais vieillissante berline helvétique.

Voilà les amis, rien de neuf sous le soleil en somme. Federer est toujours convalescent, Wawrinka est toujours blessé, Djokovic continue d’enquiller les records, la Nati est toujours aussi médiocre et les boîtes de nuit sont toujours fermées. Place désormais à la (courte) saison sur gazon et à ce Wimbledon dont on préfère ne rien y espérer, quitte à être déçu en bien, comme on dit.