Un grand match et une immense frustration
Oui, cette finale fut grandiose, spectaculaire, un peu folle et pleine de suspense. Elle fut même tendue et électrique, avec quelques bonnes prises de becs ici ou là, ce qui devient malheureusement rare sur le circuit. Une finale qui ne fut pas sans rappeler celle de l'US Open 2009 entre ces deux hommes. Là aussi, notre Rodgeur national s'était énervé contre l'arbitre et avait perdu un certain influx. Là aussi, le Bâlois aurait dû remporter la rencontre et avait les occasions pour le faire. Là aussi, il a fini par perdre et craquer complètement en fin de match. 6-2 à New York dans le cinquième set ; 7-2 à Indian Wells dans le tie-break dont deux horribles doubles fautes. Ou comment solder bêtement une finale.
Oui, les similitudes sont nombreuses et la frustration est tout aussi grande. On était tous franc-fous en septembre 2009, on l'était tout autant dimanche soir devant notre télé. A deux doigts d'exploser l'écran avec ma chope de Paulaner ! Alors que le Maître avait fait le plus dur en signant le break à 5-4 au troisième set et qu'il menait 40-15 sur son service, il s'est totalement fourvoyé. Comment un homme qui a gagné 20 tournois du Grand Chelem peut-il tenter deux amorties aussi moisies sur deux de ses trois balles de match ? Pourquoi n'a-t-il pas demandé le challenge sur ce premier service qui effleure la ligne à 40-30 ? Autant de questions qui resteront sans réponse et qu'on aurait meilleur temps de ranger au placard et d'oublier au plus vite. Tu sais, un peu comme ce premier rendez-vous Tinder qui tourne au vinaigre parce que la miss a omis de te dire qu'elle bégayait et qu'elle portait un appareil dentaire que ne renierait pas une adolescente de 13 ans.
Bien sûr, Juan Martin Del Potro est un superbe vainqueur et on est sincèrement content pour lui. Ce mec, trahi par son corps et – un temps – perdu pour le tennis, revient de nulle part et mérite un tel titre, son premier en Masters 1000. C'est accessoirement un bon type et un joueur qui prend des risques et attaque. Très loin des Nadal, Djokovic et autre Murray qui sont à l'ennui et au jeu de défense ce que Pascal Broulis est à l'évasion fiscale. Et je conclus ici ce paragraphe élogieux (on n'est pas là pour se passer la pommade, merde).
Aujourd'hui, la déception est immense et il faudra quelques jours pour digérer ces trois balles de match et cette affreuse défaite. Tout était pourtant réuni pour une nouvelle grande victoire après ce tie-break d'anthologie et cette rage – comme c'était beau ! – affichée par le Maître. C'est aussi comme ça qu'on aime le voir : dans le dur, dans la résilience, dans le combat. Comme samedi face au surprenant Coric. Bref, il a manqué un ou deux centimètres, un challenge et un peu de lucidité pour qu'on célèbre cette semaine un 98ème titre et qu'on ressorte la panoplie complète des adjectifs dithyrambiques. On se contentera à la place d'attendre Key Biscayne et de conseiller au Rodg de raser cette vilaine barbe et à Marc Gisclon de mettre un peu plus de niaque dans ses commentaires.