La finale des bisounours
Quand j’écrivais dans mon dernier post «que le moins mauvais gagne», je ne croyais pas si bien dire. J’aurais pu ajouter : «que le moins nerveux gagne». Dominic Thiem, perclus de crampes et tétanisé par l’enjeu, a donc remporté son premier titre du Grand Chelem au bout du suspense. Au bout du n’importe quoi même, tant cette fin de match a ressemblé à un immense sketch entre deux mecs incapables d’aligner deux coups gagnants de suite, enchaînant les fautes directes et complètement perdus dans leur tête, le tout dans un stade à huis clos qui sonnait aussi creux que la Pontaise un soir de novembre.
«Moi, à mon bisounours, je lui fais des bisous,
Des gentils, des tout doux, des géants, des tout fous,
Un bisou sur la joue, un bisou dans le cou,
Car mon p’tit bisounours, il adore les bisous.»
Alors qu’il semblait totalement cramé, transpirant autant que Rafael Nadal dans un sauna et boitant entre les échanges, l’Autrichien a tout de même réussi à passer l’épaule, bien aidé par un Zverev qui tapait des revers dans le carré de service, qui envoyait des premières balles à 140 km/h et qui, dans ce jeu décisif aussi loufoque qu’irrespirable, a réussi à offrir deux affreuses doubles fautes à son adversaire. En termes de qualité de jeu, ce cinquième set n’était pas loin d’une rencontre d’interclubs de LNB entre Büsingen et Rapperswil.
Alexander Zverev fera des cauchemars de cette finale pendant un moment, lui qui a mené 6-2 6-4 2-1, break en poche, face à un numéro 3 mondial fantomatique. L’Allemand au mental de majorette a encore servi pour le match à 5-3 au dernier set et a alors proposé aux cinquante personnes présentes dans le Arthur Ashe Stadium le jeu de service le plus dégueulasse de cette quinzaine : un coup droit dans les étoiles, un autre coup droit et un revers au milieu du filet, avant une pseudo attaque conclue par une volée absolument abjecte. Circulez, y’a plus rien à voir.
Voilà, on ne va pas faire dix mille théories sur cette parodie de match, mais juste constater que, même dans un stade à huis clos, ces finales de Grand Chelem restent toujours aussi crispantes et difficiles à aborder. Thiem est entré sur le court avec le trouillomètre à zéro, hanté par ses trois dernières finales de Majeur perdues, incapable de gérer son statut de favori. La merde qu’il a présentée durant les deux premières manches aurait sa place au Musée de l’Anatomie Morbide de New York. De son côté, l’outsider Zverev était plutôt tranquille au départ, a joué son jeu sans briller – mais avec sérieux – avant de se liquéfier totalement lorsqu’il s’est rendu compte qu’il pouvait le gagner, cet US Open 2020. On appelle ça la peur de gagner, le petit bras, Joël Gaspoz à Crans-Montana 87, la Nati à Cologne en 2006 ou Roger Federer le 14 juillet 2019.
«Moi, à mon bisounours, je lui fais des bisous,
Et pour me dire merci, il m’en fait lui aussi,
Des gentils, des mimis, des grands et des petits,
Car mon p’tit bisounours, il adore les bisous.»
Bref, on ne retiendra que le nom du vainqueur et c’est donc Dominic Thiem. Bravo à lui quand même, qui mérite ce titre et qui a survolé le tournoi avant son craquage en finale. Celui qui aurait pu devenir le Andy Murray des années 2020 vainc enfin le signe indien et on compte sur lui, désormais, pour continuer sur sa lancée et confirmer qu’il fait bien partie de la race des grands champions en allant terrasser Nadal et Djokovic sur leurs terres. Soyons honnêtes : l’Autrichien est aujourd’hui le meilleur allié de Roger Federer. Si le Maître espère conserver quelques-uns de ses records, il devra compter sur un énorme Thiem ces prochaines années.
Allez les amis, merci pour vos commentaires et rendez-vous à Paris pour de nouvelles aventures masquées et covidées !